Alors que les prix reculent et que nombre d’incertitudes demeurent, plus de 80 % des professionnels interrogés par la Chambre Immobilière se disent « pessimistes ». Beaucoup sont même inquiets quant au propre devenir de leur agence.

Le temps semble bel et bien révolu où les prix du marché de l’immobilier luxembourgeois collectionnaient d’année en année des taux de progression à deux chiffres, dopés notamment par une conjoncture économique florissante, une demande toujours supérieure à l’offre et des taux d’intérêts particulièrement attractifs…

Après la crise sanitaire et les conséquences de la guerre en Ukraine sur fond de transition énergétique, la météo du secteur est devenue grisâtre. Le nombre de transaction a chuté, et les prix aussi. 

Dans ce contexte, l’enquête initiée par la Chambre Immobilière auprès de ses membres reflète de manière (hélas) spectaculaire les vives inquiétudes des professionnels. 39 % se disent très pessimistes et 42 % plutôt pessimistes quand on les interroge sur « les perspectives économiques en général et le marché immobilier en particulier » !

Des craintes sur l’emploi

Dans le détail, les conditions d’accès au crédit pour leurs clients préoccupent les agents (68 % sont même très inquiets…) et 80 à 90 % des professionnels avouent leur désarroi quant à « la confiance » des vendeurs et des acheteurs. Le cas des primo-accédants les affecte tout autant, puisqu’ils sont là encore près de 90 % à douter du succès de leurs projets… Cette conjoncture pèse dès lors sur le propre devenir de leur activité : quelque 74 % des professionnels interrogés par la Chambre Immobilière se disent ainsi pessimistes sur les perspectives de développement des agences voire du maintien de l’emploi !

On aurait pu penser néanmoins que face aux envolées des tarifs du gaz et de l’électricité, la performance énergétique des logements aurait un effet « dopant » sur les transactions… Ce n’est pas franchement le cas : 44 % des professionnels jugent que le critère n’apparaît pas primordial. Cependant, 16 % ont noté une attention spécifique des candidats à l’achat sur cette question, 18 % jugeant que cela invite à écarter les biens non performants et 31 % ayant remarqué que les acquéreurs en faisaient désormais un levier de négociation… Enfin, on remarque qu’il ne semble pas que la situation a dopé la mise en vente des « passoires thermiques » …

Des mesures peu efficaces

Conscients du contexte, les pouvoirs publics ont certes instauré des mesures pour tenter de relancer le marché. Autour de 90 % des agents jugent ainsi positivement l’amortissement accéléré à 6 %, le taux de TVA à 3 % et la taxe réduite sur la valeur ajoutée. En revanche, 84 % estiment néfaste la réforme du contrat de bail à loyer. Même sévérité quant aux aides de l’État liées au crédit d’impôt (passant de 20 à 30 000 euros) et à l’augmentation des seuils pour les déclarations : 74 et 68 % des adhérents de la Chambre ne sont pas convaincus de l’efficacité de ces coups de pouce…

A la lecture de l’enquête, on note encore que les professionnels pensent à 56 % que la situation du marché est difficile pour tous leurs clients (pas plus les vendeurs que les acheteurs, donc), et que pour l’heure, ils n’ont pas constaté que les propriétaires avaient adapté leurs prix de vente. Ces derniers croiraient d’ailleurs à une hausse prochaine… Du reste, seuls 48 % des agents ont observé que les vendeurs s’alignaient sur les estimations qui leur étaient délivrées quand ils ne préfèrent pas fixer un prix supérieur !

Les candidats à l’achat, de leur côté, ne semblent pas non plus anticiper un durcissement du marché, remarquent 76 % des agents.

Les banques pointées du doigt

Et les banques ? A la quasi-unanimité, les professionnels constatent que les acquéreurs éprouvent de plus en plus de difficultés à obtenir leur prêt, plus de 76 % ayant déjà constaté des compromis cassés faute d’accord des organismes de crédit. Les avis sont plus partagés en revanche sur la nécessité, pour les acheteurs, de revoir leur apport à la hausse pour mener à bien leur projet.

Dans ce contexte décidément plus que compliqué, les délais de transaction s’en retrouvent allongés, remarquent les adhérents de la Chambre, et ils sont près de deux sur trois à confesser que leurs clients sont désormais enclins à négocier les frais d’agence !

Enfin, l’enquête confirme que les logements avec espaces extérieurs (jardins, balcons) demeurent prisés (une tendance apparue nettement lors des confinements liés à la crise sanitaire), et qu’il est moins difficile de trouver des biens à vendre qu’à louer… Et pour conclure, à cet éventail déjà très large d’obstacles, il faut ajouter pour les professionnels qui ont répondu au sondage une difficulté croissante à rentrer dans leur portefeuille des biens exclusifs…

Les espoirs du président de la Chambre Immobilière

Voilà au final un état des lieux peu réjouissant, du jamais vu même dans le secteur depuis des décennies. Reste à savoir si l’État peut imaginer de nouvelles mesures pour relancer la machine ou s’il convient de nuancer les réponses au questionnaire, les agents étant peut-être trop concentrés sur le court terme ? Le président de la Chambre, Jean-Paul Scheuren, disait récemment pour sa part attendre une éclaircie du côté des taux… « Dès que les taux d’intérêt vont de nouveau baisser, il va y avoir une ruée de nouveau sur les ventes de logements et les prix de l’immobilier vont de nouveau repartir à la hausse. » Mais il ajoutait : « On aurait pu éviter tous ces hauts et bas avec une autre politique du logement basée sur l’offre. » Une manière polie d’espérer une prise de conscience des acteurs publics et privés pour, la crise passée, engager de vraies réformes pour doper la construction, notamment.

Quelques pistes pour sortir de la crise…

S’ils expriment à l’évidence une forme de désarroi au demeurant compréhensible face au contexte actuel (forte baisse du nombre des transactions et des prix, allongement des délais de négociations, difficultés comptables au sein des agences en raison d’une activité en décroissance…), les professionnels interrogés par la Chambre ne restent pas toutefois les bras croisés.

Loin d’être résignés, ils formulent même des propositions. Afin de relancer l’offre, on retient par exemple qu’est suggérée la mise en œuvre d’une réforme « pour simplifier les procédures visant à accorder les permis de bâtir » et, dans le même ordre d’idée, de généraliser la construction d’immeubles plus hauts. « Deux ou trois étages en plus, ce sont potentiellement des dizaines de logements supplémentaire dans un parc résidentiel, à même de satisfaire les clients en quête d’investissement ou de biens à louer… » expliquent en substance certains agents.

Dubitatifs vis-à-vis des coups de pouce et mesures d’aides déjà décidés ou envisagés par l’État, d’autres préconisent tout simplement de « supprimer les taxes d’enregistrement pour les primo-accédants », et ils dénoncent certaines complexités ou lourdeurs administratives. « Il faut accélérer le versement des aides lors des procédures car elles risquent souvent d’être sans effet étant donné le niveau de l’inflation » souligne ainsi un des professionnels.

Enfin, pour sécuriser juridiquement les contrats mais aussi maintenir l’activité des professionnels, des spécialistes de ce segment du marché verraient positivement l’instauration d’une réglementation pour « éviter les locations de biens contournant le passage par une agence ».